electrum annonce la nomination de Benoît Hélin en tant que Senior Commodity Trader.Chargé du développement du trading sur tout type de matières premières, Benoît déploie un large panel de stratégies […]
Considérations précieuses concernant la couverture de l’or
décembre 5, 2023
Reading time : 10 min
Il apparait hautement judicieux pour les entreprises aurifères de revoir leur approche de couverture lorsque le cours à terme de l’or à un an atteint son nouveau plus haut niveau historique. En 2023, celles-ci ont déjà eu l’occasion de vendre leur production à terme à un cours proche de 2.100 dollars l’once et de dégager ainsi des marges élevées. Ceci est particulièrement attractif dans un environnement de renchérissement des coûts de financement.
D’une façon générale, une couverture permet à une entreprise de fixer un certain cours sur les actifs financiers auxquels celle-ci est exposée, ce qui lui permet de réduire son incertitude et de gagner en visibilité sur ses flux de trésorerie futurs. Une pratique courante et simple pour les entreprises aurifères consiste à vendre, par anticipation, leur production à un prix fixé à l’avance afin de figer leurs revenus futurs en utilisant un contrat à terme négocié de gré à gré (OTC) ou échangé sur le marché coté (COMEX).
La beauté naturelle des courbes du contango !
La couverture d’une production future d’or est visuellement attractive, car sa courbe à terme est dite en « contango ». Ce terme signifie que les prix à terme se négocient avec une prime par rapport au cours spot (ce qui revient à dire qu’ils sont supérieurs). Cela est dû en partie aux coûts associés au stockage de l’or (par exemple son assurance ou encore sa sécurité). Les détenteurs d’or doivent en effet être indemnisés pour ces frais engagés au nom de ceux qui reportent sa collecte à une date ultérieure. Même si l’inflation a certainement fait grimper certains de ces coûts, l’essentiel de la pente de la courbe à terme résulte toutefois de l’augmentation du différentiel de taux d’intérêt entre l’or et le dollar, dans un contexte où la Fed s’est lancée dans un cycle de hausse agressif. Parallèlement, en l’absence d’autorité monétaire fixant les taux d’intérêt pour les métaux précieux, les taux débiteurs sur l’or reflètent la dynamique de l’offre et de la demande. Étant donné les grandes quantités d’or stockées dans les coffres des banques centrales, l’offre dépasse largement la demande. C’est essentiellement cette perception qui empêche les taux de l’or de dépasser les taux d’intérêts américains. C’est pour cette raison que le marché est en contango.
Cette notion de contango rend virtuellement tous les instruments financiers attractifs pour les entreprises qui cherchent à vendre leur production à terme. La combinaison actuelle d’un cours au comptant de l’or élevé (> 2 000 dollars l’once) et d’une courbe à terme de l’or très abrupte (1 an > 5,5 %) signifie que les sociétés minières ont eu la possibilité de verrouiller leurs prix à terme en 2023 à des niveaux sans précédent, augmentant ainsi fortement leur marge opérationnelle.
La fièvre jaune pourrait avoir provoqué un « mal des couvertures » ?
Pourtant, Evolution Mining, l’un des plus grands producteurs d’or australiens, a annoncé en mars 2023 qu’il ne se couvrirait pas à partir de juin 2023, tandis que son concurrent Northern Star ne s’est couvert qu’à hauteur de 25 % jusqu’à 1 an. Voilà qui contraste fortement avec les années 90, lorsque les sociétés aurifères australiennes étaient les plus couvertes (parfois avec des ratios de couverture supérieurs à 100 %), suivies en cela par leurs homologues nord-américaines. Il est vrai qu’à l’époque, l’or était dans un marché baissier séculaire. A l’inverse, personne n’a intérêt à se couvrir dans un marché haussier, d’autant plus que cette hausse est auto-entretenue par l’optimisme des acteurs du marché (« la fièvre jaune »). Le tristement célèbre effondrement d’Ashanti en 1999, provoqué par sa couverture sur l’or, où le coût exorbitant de 4 milliards de dollars du dénouement des couvertures de Barrick en 1996 ont probablement découragé certaines sociétés minières de protéger leurs revenus futurs. L’approche hétérogène actuellement observée dans le secteur souligne que les bienfaits d’une couverture continuent d’être débattus près de 30 ans plus tard.
Les raisons qui incitent à ne pas se couvrir découlent en réalité souvent d’un manque de compréhension des méthodes de gestion active des risques. Les dirigeants des entreprises concernées peuvent considérer ce sujet comme étant annexes par rapport à leurs activités principales (exploration, exploitation minière, raffinage) et considérer que le risque auquel ils sont exposés ne peut pas être mesuré avec précision (en particulier le risque de change). Il est vrai que la mise en place et la gestion de positions de couverture introduisent une couche de complexité (comme l’exposition aux appels de marge) qui nécessite une équipe et une infrastructure dédiées (système de gestion de portefeuille, outils de valorisation, constitution de garanties, mesures de risque, etc.). Même si nous convenons que le trading de produits dérivés échappe largement au champ d’expertise de la direction, nous considérons qu’il n’est cependant pas optimal de fermer les yeux. Tout d’abord parce que la décision de ne pas gérer ses risques de marché de façon proactive est déjà en soi de nature spéculative. Mais aussi parce qu’établir une couverture réduit l’incertitude sur les flux de trésorerie futurs et augmente la visibilité financière. Or des flux de trésorerie stables ont un impact positif sur la qualité de crédit et donc, sur les coûts d’emprunt, vitaux pour le développement de l’entreprise.
Se couvrir est un exercice délicat !
Avant de vous lancer dans les produits dérivés, il convient de rechercher des couvertures « naturelles ». Par exemple, si votre activité requiert beaucoup de fonds, vous souhaiterez peut-être lever des capitaux adossés à l’or, tels que des contrats de prépaiement, c’est-à-dire remboursables sous la forme d’un volume d’or prédéfini (ce qui équivaut à une dette). Une partie de votre production future sera ainsi vendue avec une décote fixée aujourd’hui et votre performance future sera moins sensible à l’évolution des prix spot de l’or. Avec un contrat de prépaiement, l’exposition aux fluctuations des prix est transférée au prêteur en dollars.
Évidemment, comme pour tout type de couverture, il serait déraisonnable d’engager plus de 100 % de votre production. Une couverture partielle permet en effet aux entreprises de conserver une flexibilité opérationnelle en cas de futures conditions de production défavorables. Cela permet également de conserver une souplesse financière dans le cas où un financement adossé à une production d’or était envisagé (pour lequel une production sans contrainte est requise) ou simplement de bénéficier de conditions de marché plus attractives (prix spot de l’or élevé et marges plus élevées). En règle générale, nous observons que les ratios de couverture des sociétés aurifères varient entre 15% et 60 % et qu’ils couvrent un à trois ans de production. En pratique, la liquidité se tarit rapidement au-delà d’un an pour la plupart des instruments de couverture et le coût de transaction devient prohibitif. De manière sporadique, le ratio de couverture peut atteindre 100 % en période d’investissement ou d’endettement élevé, lorsque le besoin de visibilité financière est exacerbé.
Les couvertures doivent être calibrées pour protéger les marges opérationnelles, et non les revenus, car celles-ci n’englobent pas l’exposition à l’or insensibilisée grâce aux couvertures naturelles. Dans la mesure du possible, les instruments doivent être limités aux contrats à terme (forward) et aux options simples (dites « vanilles ») afin de couvrir correctement les flux de trésorerie et d’éviter tout bruit inutile dans les comptes de résultat, grâce au traitement comptable adéquat.
Enfin, se couvrir systématiquement à durée fixe offre une visibilité certaine sur le taux de couverture, mais ne fait que décaler l’impact de la fluctuation des prix spot durant la période concernée. Une méthode alternative simple et souvent négligée consiste à superposer les couvertures. Le ratio est ainsi progressivement augmenté en transférant une partie de l’exposition totale d’une période à l’autre. De cette façon, le taux de couverture pour un flux de trésorerie donné découlera du point d’entrée moyen sur la période totale de couverture. La méthode offre toujours de la visibilité, mais améliore également la variabilité du taux de couverture réalisé d’une période à l’autre.
Réduire la sensibilité de vos revenus à l’or apparaît comme une bonne idée si vous cherchez à lever de la dette ou à protéger vos revenus futurs de la chute des prix de l’or. Mais cette pratique peut aussi aller à l’encontre de la thèse d’investissement de vos actionnaires si ces derniers ont acheté vos actions en cherchant une forte exposition indirecte à l’or ou à des fins de diversification de portefeuille. Il est donc crucial de concevoir une stratégie de couverture prenant en compte l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes.
Couverture dynamique !
Chez Electrum, nous investissons dans nos collaborateurs et nos infrastructures, car établir une couverture efficace fait partie de notre ADN. Nos stratégies s’alignent sur les objectifs de nos actionnaires en toute transparence. Nous adaptons constamment nos stratégies de couverture aux conditions du marché. Notre équipe expérimentée de traders et d’analystes quantitatifs surveille attentivement tous les paramètres du marché et structure une grande variété de produits linéaires et non linéaires afin de gérer notre exposition, qui est par nature évolutive. Nous équilibrons les objectifs de protection et de participation en prenant des risques mesurés qui correspondent à nos visions du marché. Nous avons développé des modèles quantitatifs qui, couplés à notre analyse des évolutions macro-économiques, enrichissent notre processus de décision. Nous pensons qu’une couverture ne doit pas nécessairement être statique tout au long de sa vie. Nous restructurons notre portefeuille de couvertures de manière dynamique, lorsque des opportunités d’extraction de valeur supplémentaire se présentent à nous. Entre autres bonnes pratiques, nous multiplions également nos contreparties afin d’entretenir une tension sur les prix et nous allouons nos transactions là où nous maximisons l’efficacité du capital et réduisons le risque de contrepartie.
Une couverture peut être tactique et se concentrer sur le court terme dans le cadre d’un important projet d’investissement ou bien pour réduire momentanément ses coûts fixes. Mais elle peut être aussi stratégique en se concentrant sur le long terme afin d’augmenter ses chances de survie lors d’événements à risque extrême (si le cours de l’or tombe en dessous d’un coût de production (AISC) particulièrement élevé). Dans tous les cas, des fourchettes de ratios de couverture doivent être définies (avec par exemple un minimum de 30 % et un maximum de 60 %) et des instruments de couverture (forwards, options achetées, tunnels…) prédéterminés pour différents scénarios de marché. L’art de la couverture peut s’avérer très puissant pour gérer efficacement une entreprise en toute sérénité. A condition, toutefois, de planifier soigneusement sa conception et son déploiement.
Nos publications
Malgré d’importantes turbulences géopolitiques et économiques, la volatilité implicite des différentes classes d’actifs est restée modérée ces derniers temps. S’agissant de l’or, les pics de volatilité ont été rapidement vendus, […]
TRADERS TANGOLes traders en matières premières achètent et vendent des matières premières sous leur forme la plus simple (c’est-à-dire sous forme de sous-jacents physiques) ou selon des méthodes plus complexes […]